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Une vie de famille ( Dialogue)


                        

Un couple de quadragénaires vit dans une ville polluée, comme sont polluées toutes les grandes cités. Il est cadre marketing dans une société de produits alimentaires. Elle est employée administrative dans la fonction publique. Ils ont deux enfants. Une fille de quinze ans et un garçon de douze ans.


C’est la fin de semaine, un samedi après-midi. Madame est sortie avec sa fille. Quant au garçon, il est parti jouer avec ses copains.


Monsieur allume l’ordinateur.


Monsieur — Sésame ouvre-toi !


L’ordinateur — Il faut toujours qu’il me presse, me stresse, me fatigue. Monsieur surfe à vitesse grand V sur mon écran. Tout ça pour quoi ? Des paires de seins, des paires de fesses, des rendez-vous coquins ! Il ferait bien mieux d’aller jouer au tennis !


Monsieur Oh la belle brune !


L’ordinateur — La dernière fois, c’était une rousse. Trois rencards, et puis la poubelle !


Monsieur — Ce cul ! Ah ce cul ! Je vais en faire mon casse-croûte ! L’heure du midi, c’est l’idéal ! Ni vu ni connu ! 


L’ordinateur — Et voilà ! Encore une au tableau !


Monsieur — Je vous aime mes petites poules ! La vie serait triste sans vous ! Oui, je suis continuellement accablé par mon travail et mon devoir de père de famille. L'existence que je mène, ce n’est pas du gâteau. 


L’ordinateur — Et patati et patata ! Et bla-bla-bla ! Faut l’entendre le misérable ! Le pauvre chérubin !


Quelque temps plus tard, la porte d'entrée s'ouvre.


Monsieur — Ça va chérie ?


Madame — Oui ! Je suis trempée.


Monsieur — C’est toujours comme çà. Il est fait beau dans la semaine et dès que le week-end arrive…


Madame met son imperméable et celui de sa fille à sécher près d’un radiateur.


Madame — Il y avait un monde fou en ville ! J’ai acheté une belle robe pour notre fille.


Monsieur — Super !


Madame — Qu’ as-tu fait de beau ?


Monsieur — J’ai peaufiné un dossier pour lundi.


Madame — C’est tout !


Monsieur — J’ai lu quelques articles sur internet.


Madame — Les nouvelles sont bonnes ?


Monsieur — Bof !


Madame — Il va falloir aller chercher ton fils, tu sais que son vélo est toujours en réparation.


Monsieur — J’y vais !


***


Madame — Elle est belle ta robe !


La fille — Oui ! Merci maman !


Madame — Tu vas faire des jalouses !


La fille — Tu crois ?


Madame — C’est certain !


La fille — Elle n’est pas trop moulante ?


Madame — Mais non ! Maintenant, tu es une jeune femme ! Tu as les formes où il le faut. Tu vas attirer les garçons, c’est sûr.


La fille — Je monte, à plus tard.


Dans sa chambre, la jeune femme se déshabille devant la glace. Elle se tourne, se retourne, regarde son fessier, ses jambes. Elle soupèse ses seins, examine son visage. Elle semble satisfaite. Puis, elle met sa robe et recommence son cinéma. Tout va bien ! Elle prend plusieurs photos avec son iPhone et se connecte à Facebook. Elle envoie sa collection en nommant son album « nouvelle robe », et elle partage.


La fille — Ils vont voir les demeurés ! Surtout le Julien qui me prend pour une gamine et qui se targue d’être le grand séducteur du siècle.


Déjà une vingtaine de likes sur son album.


Claire — T’es magnifique dans cette robe ! (Like)

 

Chloé — Tu l’as achetée où ? 


Francis — T’es super canon ! (Like)


Irène — Ça alors ! (Like)

Patrick — On dirait une star ! Ma parole ! (Like)


Oskar — Je kiffe grave ! (Like)


Julien — T’as surtout un joli cul, ma princesse !


La fille — T’as pas autre chose à dire ! (Like,like,like)


Julien — Tu dois être bonne au lit ! 


La fille — Pauvre con ! (Like,like,like,like,like)


Julien — Tes melons ont l’air à point ! 


La fille — Je t’emmerde ! (Like,like,like,like,like)


Julien — Un petit rencard ? 


La fille — Je te supprime de ma liste. Salut Don Juan ! (Like,like,like,like,like)


Son iPhone bip, elle reçoit un SMS :


Julien  — T louf ou quoi ?


La fille — T trop con !


Julien — Bah !


La fille — T vraiment relou !


Julien — Je plaisantais !


La fille — L’humour !


Julien — Jte trouve top !


La fille — Du ciné !


Julien — Non, jtassure !


La fille — Tétoi ! Ou je dis à Patou que tu la trompes. 


Julien — Faux !


La fille — Menteur !


Julien — T cinglée !


La fille — Jtai vu !


Plus rien.


***


Le lendemain.


Madame — Ta fille a eu du succès avec sa robe sur Facebook.


Monsieur — Ah bon !


Madame — Tu ne t’en rends pas compte, mais c’est une vraie petite femme maintenant. 


Monsieur — Le temps passe si vite !


Madame — Tu devrais vérifier les devoirs de ton fils.


Monsieur — Je monte, chérie.


Il ouvre la porte de la chambre, son fil est scotché devant son écran. Il a une manette entre les mains.


Le jeu Ta tata ta tatatata. 


Le garçonOn est bientôt arrivé au bastion !


Le jeu Ta tata ta tatatata. Ta tata ta tatatata.

Le garçonJe vais lui mettre une prune à ce salaud là !


Le jeuTa tata ta tatatata. Ta tata ta tatatata.


Monsieur Ta tata t’as fait tes devoirs ?


Le garçon Presque…


MonsieurCe qui signifie ?


Le garçonReste plus que les mathématiques.


Le jeu Ta tata ta tatatata. Ta tata ta tatatata.


Monsieur Arrête ton jeu tout de suite !


Le garçon Mais…


MonsieurIl n’y a pas de mais. Dans deux heures, je vérifie.


Le garçon J’dois aller chez un copain.


Le jeuTa tata ta tatatata. Ta tata ta tatatata.


MonsieurPas question ! Tes résultats sont désastreux.


Le garçon Mais…


Monsieur éjecte le disque et le confisque.


Monsieur Dans deux heures !


Le garçon prend son portable et envoie un SMS :


« Peupa venir, daron en colère. Cpacool ! »


***


Lundi matin, madame est au travail devant son écran. Elle gère les courriels, transmet aux autres services. Elle doit aussi s’occuper des statistiques, etc.


Pendant la pause de midi, elle mange son sandwich et son café devant son poste. Elle se connecte à son site en entrant son pseudonyme et son mot de passe. Miracle ! Il y a un message.


Le message — Je comprends fort bien que votre vie de famille soit monotone. Je suis d’accord pour une aventure sexuelle extraconjugale. Que pensez-vous d’un premier rendez-vous mercredi à 12 h 15 au Café des Sports ? Il suffira de demander « Sergio » au bar.


Madame — À mercredi !


Elle se déconnecte et continue son travail.


Une collègue — Tu ne manges plus avec nous ?


Madame — Régime !


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